vendredi 13 juillet 2012

Conditions des enfants : Maria Katisoa


"Ny zanaka hono toy ny tanan'akanjo, atsipy, eo an-damosina
asavily, eo an-damosina ihany"
Proverbe malgache 
Litt.,: les enfants sont comme les manches d'habit,
qu'on les lance ou qu'on les jette, ils sont toujours sur votre dos)

              Les enfants...Nous en avons, nous en voyons tous les jours. Le spectacle matinal souvent relevé (ou intégré dans notre quotidien) que ce soit en milieu urbain ou en milieu rural est le départ des enfants pour l'école...Mais les conditions sont tellement différentes...que ceci se  répercute aussi généralement sur la qualité des établissements (beauté et entretien des bâtiments, qualité des mobiliers et salles de classe, exigence de qualité des enseignants et de l'enseignement...)


              Cette chanson de Lolo sy ny tariny, composée vers le début des années socialistes (1978-1980), nous ramène à des situations qui apparemment sont immuables : en 30 ans, la situation est quasi la même, pour ne pas dire qu'elle a empiré... 


              "Maria katisoa" (1): une petite fille, entre 8 et 10 ans [?] ("zaza bodo, tsy hary nono", litt., innocente petite encore non pubère), "nefa efa matotra firesaka" (litt., pourtant toute mûre dans ses conversations) (2).  Elle réside dans un quartier pauvre, périphérique de la ville (Andohantapenaka est à limité de la Commune Urbaine d'Antananarivo; si l'on traverse l'Ikopa, affluent de la Betsiboka, par le pont, l'on passe dans la Commune rurale d'Andranonahoatra). Maria se lève tôt (5 heures) pour se mettre à la queue pour l'attente du kilo de riz quotidien...au bureau du fokontany (3). D'un père, ivrogne à l'hydromel (alcool frelaté, consommé dans les  quartiers pauvres: de l'alcool à bruler, bon marché à ces moments, car volé dans les établissements hospitaliers, et coupé avec un peu d'eau) et d'une mère prostituée...dans une maisonnée composée de 10 personnes. Quelle description dans ce texte ! Il a été tabou de parler de cette réalité  traduite dans ce texte, à l'époque !!!





              Maria n'a pas le coeur à rejoindre l'école, mais elle essaie tout de même de se remémorer des leçons de TAJEFI (4) (Tantara Jeografia sy Fitaizana ara-piarahamonina), dénomination malgachisée à ces moments de la matière intégrant histoire, géographie et éducation civique) et les leçons de KAJY (calcul) "Roa ampiana iray mira telo", (litt., Deux plus un font trois) et ... l'autre problème crucial : comment départager un kilo de riz pour les dix personnes de sa maisonnée ?... Pas facile quand on est petit et quand on a le ventre creux ! Toutefois, les maîtresses, dans leur pédagogie surannée, sévissent physiquement... ("lako > "lakoana"  = sévir physiquement) et que d'autant plus, que Maria va certainement somnoler en classe, avec ce réveil obligé de si bon matin. Aussi l'interpellation s'en vient "Aza lakoana izy madama, ny fiainany no sarotra !"(litt., épargnez-la, madame de vos sévices, sa vie est si difficile !).

              Les performances scolaires sont de fait, médiocres...Ce n'est pas seulement pour Maria, mais aussi pour les enfants de sa génération...: "Donto ny ankizy ankehitriny" et "Simba ny ankizy ankehitriny" (les enfants actuels sont peu réactifs, et les enfants actuels sont sacrifiés", à qui peut on rejeter la faute ? Quel avenir pour ces enfants ? (5)

              La situation n'a pas changé en mieux. Malheureusement, elle empire...

          Ceci vous est soumis, pour la perspicacité et la justesse du texte...pour dénoncer (déjà en 1978/1980) cette révoltante situation. 

          Les techniques pédagogiques sont à revoir, mais le contexte général d'appauvrissement de la population est aussi à traiter urgemment. Les mesures mises en oeuvre sont à renforcer : micro-crédit et appui à l'auto-emploi pour les parents (OTIV, CECAM, APEM...) formations professionnelles et placements dans des emplois (CEFOR...) mais ils sont encore circonscrits dans quelques centres urbains... Les efforts pour la scolarisation des enfants sont aussi là... Comment les retenir à l'école au delà des trois premières années de scolarisation, après lesquelles 60% d'entre eux, sortent du circuit scolaire ? (scolarisation obligatoire, cantine scolaire gratuite, accompagnement des parents...)

              Une véritable confection d'une politique éducative est urgente...Une politique confectionnée et défendue par les associations des parents d'élèves, celle qui ne changera pas avec la "valse des ministres de l'éducation nationale...

              En complément, au niveau local (fokontany et Commune), la définition de la politique communale de l'éducation devrait se faire...Elle doit être non pas confectionnée et décidée par des "panels de représentants", mais découle de réelles consultations publiques, Cette politique communale de l'éducation sera financée à terme, en partie par la Commune et en grande partie par l'Etat : les allocations financières devraient être assez conséquentes...


              "Maria Katisoa", un chef d'oeuvre parmi les chansons engagées malgaches. Tsy tontan'ny ela [malgré le temps, ce qu'il décrit est encore d'actualité...]...Les Maria Katisoa nous interpellent !!!

MARIA KATISOA

Miala any ary i Maria Katisoa
Monina ao Andohatampenaka
Zaza bodo, tsy hary nono
Nefa efa matotra firesaka

Niova ny ankizy ankehitriny
Fohazina alohan’ny amin’ny dimy
Mianatra kilalao vao
Mandahatra haron-kely
Eny ambaravaran’ny birao
Fokontany ireny

Kala Maria,
Maria Katisoa,
Ankizy ankehitriny ihany koa

Kala Maria,
Maria Katisoa,
Hanangana ny hoaviny (amin’inona moa)x2?

Miala any ary i Maria Katisoa
Kamokamo hamonjy lakilasy
Fa misafoto ao an-doha
Ny TAJEFY sy ny KAJY

Donto ny ankizy ankehitriny
An’iza moa ny tsiny
Raha tohizany hatrany am-pianarana
Ny torimaso tapaka
Aza lakoana izy madama
Ny fiainany no sarotra

Maty anie aho
Kala Maria,
Maria Katisoa,
Ankizy ankehitriny ihany koa

Kala Maria,
Maria Katisoa,
Hanangana ny hoaviny (amin’inona moa)x2?

Iny izy mitazana an’Ikopa
Mandeha mankany Betsiboka
Toa mandeha ra..

Miala any ary i Maria Katisoa
Roa ampiana iray mira telo
Fa ny mamaky ny loha
Vary iray kilao zaraina folo

Simba ny ankizy ankehitriny
Vesarin’ny fianakaviany
Ny ray andevozin’ny dirômelina
Matory anaty tatatra
Ny Reny mivaro-tena izay vao velona
Ny fiainany no sarotra

Maty anie aho
Kala Maria,
Maria Katisoa,
Ankizy ankehitriny ihany koa

Kala Maria,
Maria Katisoa,
Hanangana ny hoaviny (amin’inona moa)x2?

Iny izy mitazana an’Ikopa
Mandeha mankany Betsiboka
Toa mandeha ra..
MARIA KATISOA

Là voilà,  Maria Katisoa
Résidente d’ Andohatampenaka
Une innocente petite encore non pubère,
pourtant toute mûre dans ses conversations

Les enfants actuels ont changé (de rythme)
On les réveille avant 5 heures du matin
Pour apprendre de nouveaux jeux:
Mettre à la file de petites soubiques
Devant les bureaux
De ces fokontany

La Maria,
Maria Katisoa,
Est aussi un de ces enfants actuels

La Maria,
Maria Katisoa,
Avec quoi va-t-elle bâtir son avenir ?

Là voilà,  Maria Katisoa
Elle ne veut pas trop aller à l’école
Car se bousculent dans sa tête 
le TAJEFY et les calculs

Les enfants actuels sont peu réactifs
A qui va-t-on rejeter la faute 
S’ils reprennent, dans les salles de classe,
Leur sommeil dérangé ?
Ne la battez pas, madame (la maîtresse d'école)
Que sa vie est si difficile !

Zut,
La Maria,
Maria Katisoa,
Est aussi un de ces enfants actuels

La Maria,
Maria Katisoa,
Avec quoi va-t-elle bâtir son avenir ?

Là voilà, fixant du regard le fleuve Ikopa
Qui va se déverser vers la Betsiboka
D’une eau plutôt sanguine..

La voilà, la Maria Katisoa
Deux plus un font trois
Mais son grand problème est
Comment partager un kilo de riz en dix parts..

Les enfants actuels sont sacrifiés
Sous le poids de leur famille
Un père, esclave de l’hydromel
Dormant (toujours) dans les caniveaux
et une mère, qui se prostitue pour survivre
Que sa vie est si difficile !

Zut,
La Maria,
Maria Katisoa,
Est aussi un de ces enfants actuels

La Maria,
Maria Katisoa,
Avec quoi va-t-elle bâtir son avenir ?

Là voilà, fixant du regard le fleuve Ikopa
Allant se déverser vers la Betsiboka
D’une eau plutôt sanguine..

_________________________

(1) Katisoa : malgachisation de « quat’sous », un clin d’œil à Berthold Brecht et son « opéra de quat’sous »
Andohantapenaka est parmi les quartiers de transition des ruraux fraîchement établis en ville. Je me rappelle des remarques apportées par les responsables du CDA  (Centre de Développement d’Andohantapenaka) de la volatilité de la population qui y réside. Les premières installations des nouveaux migrants sont dans ce quartier, location d’une seule pièce, quelque soit le nombre de personnes à loger. Mais si la moyenne du nombre de personnes par ménage est de 5,9, le nombre 10, ici citée, n’est pas impossible, car la famille s’occupe toujours d’un grand-père et/ou d’une grand-mère, et/ou d’un oncle et/ou d’un neveu ou nièce… Lorsque l’on arrive à avoir des revenus relativement stables (petits commerces ou engagement comme salariés), des déménagements dans vers les quartiers de travail s’imposent… Et l'on quitte Andohantapenaka. Peut-on supposer que la famille de Maria est encore dans des recherches de cette stabilité ? Ou peut-on supposer la précarité des revenus provenant de la prostitution de la mère ?...
(2) La puberté est toujours signe de passage à la vie adulte pour les malgaches (miala sakana/ efa lehibe) ; pour Maria, c’est déjà la prise de responsabilités adultes avant l’heure (sans toutefois abandonner son cursus scolaire)
(3) Vers les années 78/80, il a été assigné aux fokontany de se charger de la vente des sacs de riz, attribués à sa population résidente. La pénurie a été telle que tous les jours il a fallu se mettre à la queue pour obtenir sa « ration ». Faute de pouvoir attendre devant le bureau de fokontany toute la matinée, ce sont les soubiques que l’on met à la queue leu leu, reprises par leur propriétaire lorsque le quota est ramené par charrette au bureau du fokontany
(4)Un des slogans de l’Etat socialiste a été « ankizy ankehitriny, mpanangana ny ho avy » (les enfants d’aujourd’hui sont les bâtisseurs de demain)
(5) La « malgachisation » menée en ces temps soit a repris des mots usités dans les variantes dialectales des régions, soit de mots créés comme le « takamoa » pour l’ampoule électrique, les « varingarina » pour cylindre, « mirazotra » pour parallèles…pour ne citer que ceux-là . TAJEFI a été l’une des créations de ces temps : acronyme de TAntara – JEografia – FIaraha-monina, dénomination délaissée à partir de 1992… 



4 commentaires:

  1. Très en retard pour le feedback, comme toujours,Maria Katisoa m'interpelle car bien que je n'ai pas vécu la malgachisation dans mon cursus scolaire, j'ai vu bon nombre de relations et famille qui l'ont...mais ils l'ont dépassé...! la pénurie par contre, je l'ai vécu, les cigarettes sous les étalages de marchands de brèdes à analakely...l'état socialiste ...le CDA ...la queue ...tant que la politique de l'éducation sera centralisée (et politisés) et dotée d'infimes moyens financiers...Nous voici déjà à l'orée d'une nouvelle crise de personnel en éducation avec les quelques milliers d'enseignants fonctionnaires qui vont partir à la retraite en 2015, L'état semble réagir avec le recrutement de quelques ... 400 (FRAM ?) je ne sais ... ou issus de quelles institutions publiques de formation ? avec les effectifs pléthoriques dans les classes et la cessation d'aide des organismes pour les cantines scolaires ??? Il n'y a pas de miracles...merci quand même pour la traduction...

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    1. Merci Dapasy pour ta réaction. La traduction est utile pour ceux qui, d'aventure, apprécient la chanson, sans en comprendre les paroles. C'est partagé avec plaisir(zara = partage).Un des soucis, depuis l'indépendance, est cette question de "visibilité" dans la préparation de notre futur, du futur de nos enfants. Particulièrement sur l'enseignement scolaire, car à mon avis, c'est un des moyens efficaces pour "développer" le pays. Aussi, il faudrait que l'Etat mette "les sous" nécessaires pour cette mission fondamentale. Le "miracle" viendrait avec l'affectation budgétaire substantielle de l'Etat sur ce créneau, avec éventuellement, un fort ralentissement du "train de vie" des membres des institutions: qualité pédagogique de l'éducation, des écoles attrayantes, des enseignants bien formés...et une révision du programme d'enseignement. Les communautés de pasteurs/éleveurs du sud par exemple, sont tout à fait désintéressés d'une éducation scolaire qui parle du zébu 2 heures dans l'année...En tout cas merci de ta réaction...Yvon

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  2. Merci pour le partage! ton texte me rappelle des mauvais souvenirs !!!j'ai vecu ces moments des annees 80 ou les parents t'envoie a 5h du matin pour faire la queue au bureau du Fokontany et acheter le le quota max de riz de 400 gr/ pers par jour GRRRRRRRRRRR...surtout en juillet (hiver)pendant la periode des vacances

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    1. Merci Ra-Herizo. Nous aussi nous y sommes passés. Dans le temps on était résident d'"Andavamamba voatiry". 1978 a été ma première année d'enseignant au CEG de Tsimbazaza...Dur de devoir laisser sa soubique chez le Président du fokontany pour qu'il nous laisse notre "ration". Mais on était dans ce cas des "privilégiés". Les autres se levaient effectivement très tôt pour un ou deux kilos de riz par jour...Ne plus revivre ce cas. Eviter que mes enfants et petits enfants vivent ces "horreurs" est une de mes "luttes" perso...A plus...

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